Tout partait d'un banal diner entre amis. Enfin entre amis... Entre amis de ma mère pour être plus précis. Mes parents ayant divorcé alors que j'avais cinq inutile de dire qu'ils n'ont plus aucun amis en commun ces deux là. Je n'étais même pas sur qu'ils s'adressait encore la parole d'ailleurs... Enfin bref, c'était pas le sujet du jour. Je me retrouvais bloquer dans un diner naze et chiant avec ma mère et deux autres couples ou pas couples d'ailleurs. Les conversations n'étaient clairement pas de mon temps, mais le repas ayant été organisé à l'occasion de l'anniversaire de ma petite maman, je n'avais rien pu prétexter pour y échapper. L'enfer quoi.
Je répondais pourtant avec politesse et patience aux questions qu'on me posait, sur ma vie, mon entreprise... Tant que personne n'abordait le sujet blessant de ma vie entière alors je serai probablement en mesure de supporter cette soirée.

Le moment tant attendu du digestif arriva enfin, me laissant une occasion de sortir fumer rapidement une cigarette. J'avais commencé à fumer depuis le décès de ma futur femme et depuis dès que quelque chose me rendait nerveux ou que je supportais mal une situation je me réfugiais dans la fumée grisante de la clope. Ce que je fis encore une fois malgré le regard désapprobateur que me lança ma mère. Je n'avais plus dix ans.
Moins de quinze minutes plus tard, j'étais de retour dans la pièce remplie de personne hors de mon âge, à l'exception d'une jeune fille qui elle semblait beaucoup plus jeune que moi. Elle ne parlait que très peu, et avait ce petit rictus sur le visage qui me laissait une impression de fausseté.

Voyant que personne ne revenait vers moi, je décidais de m'installer au piano. Depuis tout petit, j'avais appris à en jouer et jamais je n'avais perdu le fil depuis... Un petit morceau ferait certainement plaisir et aux invités et à ma mère. Effleurant les touches blanches et noires de l'instrument, je me laissais aller à la musique. Habillement et rapidement, je frappais les touches, créant un rythme que tout le monde pourrait reconnaître puisqu'il s'agissait de la chanson I won't give up de Jason Meraz.
Sans me soucier, du regard des autres, j'entrais dans ma bulle, me laissant bercer par la musique que je jouais.

Je me laissais bercer par ma propre musique, les notes de piano s'envolaient autour de moi et avaient imposées le silence aux autres convives qui pour la plupart s'étaient tournés vers moi afin de m'écouter jouer. Je n'aimais pas particulièrement être le centre de l'attention, en fait je détestais cela mais en assistant au diner d'anniversaire de ma mère, j'avais du faire des concession. Elle était du genre à me mettre en avant devant tout ses amis, pour elle, j'étais l'homme parfait, une véritable fierté. Elle ne se rendait tout simplement pas compte qu'elle m'étouffait et m'embarrassait plus qu'autre chose en agissant de la sorte.
Je touchais une dernière fois les touches du piano, avant de finir le célèbre morceau en douceur. Je relevais la tête presque déçu que ce soit aussi court. « Elle fait du piano aussi ! » lança fièrement un homme en désignant la jeune brune que j'avais repéré un peu plutôt. Et aussitôt une autre femme se pressa de lui demander de jouer à son tour. Génial on allait devenir les deux stars de la soirée. Youhou. Je me décalais, lui laissant la place de s'installer à mes cotés et de jouer à son tour.

A son tour, elle effleura chacune des touches, créant un rythme et un son qui me paraissait familier. Au bout d'un moment, je reconnu enfin le chanson Payphone qui m'avait longtemps servir de sonnerie de téléphone. J'observais la demoiselle qui démontrait une aptitude tout aussi bonne que moi à jouer de ce fabuleux instrument. Et puis comme pour moi, la fin arriva et le silence s'imposa un court instant avant que ma mère ne débarque pour m'infliger une des pires honte de ma vie. « Oh Nolan, t'as vu comme elle joue bien ? Et comme elle est jolie. Vous y irez tellement bien ensemble ! Et vous feriez de si beaux bébés ! ». Je levais les yeux au ciel avant de passer un main hasardeuse dans mes cheveux... Ma mère était insupportable lorsqu'elle s'en prenait à ma vie privée. « Maman arrêtes tu veux... » C'est hyper gênant tu le vois pas ou quoi ?! « Je n'ai pas besoin de toi pour avoir une... relation de ce genre. ». De toute façon j'en voulais plus, qu'en est ce qu'elle allait le comprendre ? L'amour j'avais déjà donné. Et le fait d'avoir tout perdu m'avait totalement refroidi concernant ce sentiment. Ma mère finit par lâcher l'affaire et s'éloigner en haussant les épaules. Ce qui voulait dire que je n'en avais pas encore fini avec elle. « Hum... désolé pour ça... Ma mère manque cruellement de subtilité. »

J'en revenais pas qu'à mon âge et surtout après ce qui s'était passé dans ma vie, que ma mère ose encore me foutre ce genre de honte en public. La fille qui se trouvait à coté de moi, semblait tout aussi gênée par les réflexions de son hôte. Et en même temps il y avait de quoi, franchement c'était abusé de me faire ce style de scène en plein milieu de son repas d'anniversaire. Un vrai coup bas. Elle savait très bien que je n'oserai rien dire pour ne pas gâcher son dîner. Mais elle devait pourtant bien se douter, que je ne resterai pas sans rien dire.
Putain qu'elle manie elle avait de me rappeler que j'étais veuf et que je n'arrivais pas à m'en remettre. Chaque fois, je me prenais une claque dans la gueule et chaque fois, elle laissait une trace plus violente et plus marquante sur mon visage. Malgré son haussement d'épaule, je savais que ce n'était que le début de ses remarques et qu'elle ne s'arrêterait pas là...

Le silence s'installa entre moi et la jeune brunette. Je finis par le rompre, m'excusant pour le comportement vraiment inapproprié de ma mère. La joueuse de piano devait bien avoir dix ans de moins que moi, et elle devait encore être étudiante. Alors que je pensais qu'elle n'allait même pas prendre la peine de me répondre sa voix posée et douce se fit entendre.  « Non, non, il n'y a pas de gênes, c'est normal, les parents sont tous comme ça. ». Normal je ne sais pas si on pouvait utiliser ce qualificatif concernant ma mère, cela dit j'étais rassuré de savoir que je n'étais pas le seul à avoir des parents qui aimait contrôler la vie de leur enfant. « Enfin mon père est comme ça... ». Ce qui paraissait logique. Un père veillait toujours sur sa fille non ? C'était son rôle de la savoir en sécurité. « Ravi de savoir que je ne suis pas le seul à avoir des parents supers lourds. » lui répondis avec un sourire. Au moins, j'avais quelqu'un à qui parler à présent, même si la brune ne semblait pas particulièrement expansive, elle avait jusqu'à présent tout comme moi répondu avec patience et politesse à chaque personne l'ayant interrogée.

« D'ailleurs c'est surement pour ça qu'ils sont amis... Je veux dire qui se ressemble s'assemblent. ». J'esquissais un autre sourire. Ca ne m'aurait sans doute pas étonnée que ce soit le cas. Tout les personnes dans cette pièce étaient plus ou moins les mêmes exception faîte d'elle et moi. La cinquantaine bien passé, les cheveux blancs, les discussions chiantes, la passion pour le théâtre. A croire qu'ils fréquentaient tous un même club complètement stupide.
« Ouais sûrement. Ca fait combien de temps que tu joues du piano ? Ton père a l'air fièr de pouvoir exhiber ton talent... T'es fille unique ?». Je me posais la question d'une part parce qu'elle était venue seule avec son père, d'autre part parce que ce dernier ne semblait n'avoir d'yeux que pour sa petite chérie.

La jolie brune installée à mes cotés semblait tout aussi gênée que moi par les propos que venait de tenir ma mère. En même temps, il y avait de quoi. Quelle idée de parler de faire des bébés avec moi, alors qu'elle devait avoir pas loin de dix ans de moins que moi … Elle manquait pas de culot quand il s'agissait de ma vie personnelle. Elle semblait pourtant avoir du mal à comprendre qu'elle n'était pas prêt d'être grand mère. Lorsqu'il s'agissait de ma vie personnelle et amoureuse, j'étais très fermé. Depuis la mort d'Elyne, je n'avais laissé personne pénétrer ni mon jardin secret, ni mon cœur. Et je n'étais pas prêt de le laisser. Je m'en fichais de finir seul. Tout ce qu'il me restait d'elle, c'était la douleur de l'avoir perdu, aussi je m'y accrochais de toutes les manières possibles.

Je décidais de rester aux cotés de la jeune pianiste qui était sans doute la personne la plus intéressante présente en cette soirée. J'avais du entendre son prénom au court de la soirée, mais impossible de m'en souvenir pour le moment... Je la questionnais peut être avec un peu trop d’indiscrétion sur sa famille car avant de me répondre, elle baissa les yeux, comme si elle cherchait ses mots. « Eh bien, je ne suis pas fille unique, mais... ». Et merde. Il avait fallut que je choisisse LE sujet qui fallait pas ! C'était bien ma veine tiens. J'étais vraiment super doué, pour mettre l'ambiance, il y avait pas à dire. « Il ne vit plus avec nous, il est partit vivre aux Etats Unis. ». Hum. Cette phrase était empreinte de différents sous entendus dont je ne pouvais saisir la portée. Visiblement, ça n'avait pas l'air de lui plaire qu'il soit si loin. Ou alors cela cachait d'énormes problèmes familiaux.
Je me demandais comment je réagirais si Gaby s'en allait loin de moi. Elle n'était que ma demi sœur, mais je ne faisais pas de différence à ce niveau. Elle était aussi proche de moi que l'aurait une vraie petite sœur. Son départ aurait sûrement été difficile et assez insupportable pour moi. Plus de Gaby ni de neveu... Ca aurait été vide trop vide.

« Je vois.. Que dirais tu d'aller prendre l'air ? ». J'en avais assez de cette ambiance étouffée. Ca me stressait plus qu'autre chose et puis j'avais envie d'une clope. Une petite ballade ne nous ferait pas de mal, même si ça aurait certainement l'inconvénient de raviver les espoirs de ma mère. « Tu m'excusera mais avec tout ça... Je n'ai pas eu l'occasion de te demander ton prénom ?  ». Voilà qui serait plus pratique si je voulais lui parler. J'étais sur qu'elle possédait un prénom à la hauteur de sa beauté. Quelque chose de léger. Je me levais alors lui proposant mon bras, si elle souhaitait m'accompagner à l'extérieur. Je commençais à être las de toutes ces mondanités qu'imposaient ma mère.