Je m’appelle Abigaël Sandra Styvensons. Aujourd’hui, je suis âgée de 27 ans. Certains vous diront que j’ai une vie difficile, d’autres vous diront que je n’ai pas eu la pire existence qui soit. Certes, j’ai toujours eu un toit et je n’ai jamais manqué de rien. Seulement, j’ai souffert de l’absence de mes parents. Mon père est partit bien avant ma naissance. Il n’avait pas envie d’assumer un enfant. Je ne l’ai donc jamais connu. Ma mère travaillait beaucoup. Elle était gouvernante pour les Wellington, une famille riche. C’est ma tante qui m’a élevé principalement. Etant petite, je ne comprenais pas réellement pourquoi c’était elle qui passait plus de temps à la maison avec moi que ma génitrice. A l’école lorsqu’on me demandait ce que faisaient mes parents comme métier, je répondais souvent que je ne savais pas. Je ne voulais pas que les autres sachent que mon père avait disparus de la circulation et que ma mère était gouvernante. Allez expliquer à des enfants de votre âge que votre mère travaille pour une famille riche. Les enfants sont méchants entre eux, c’est bien connu. Cependant, j’ai très vite compris que je devais avoir de bonnes notes et travailler à l’école, si je ne voulais pas finir comme ma mère. Je ne me voyais pas travailler pour des gens comme ça. Moi, dès mon plus jeune âge, je voulais devenir vétérinaire.

Les années passent. Je grandis. J’évolue. Au collège, je suis le genre de fille à être première de la classe. Je ne suis pas non plus le genre à être toujours d’accord avec ce que les professeurs peuvent dire ou faire. Je suis souvent assise au fond de la classe, je ne participe pas en cours. Il m’arrive même parfois de répondre aux professeurs, rien de bien méchant. D’un côté, ils ne pouvaient pas me dire grand-chose, puisque j’avais de bonnes notes. Seulement, les années collège c’est aussi la période où je me forge une réputation. Je suis devenue une fille populaire, je voulais surtout me donner un genre. Je savais que j’étais loin d’être le stéréotype de la gosse de riche qui a tout le monde à ses pieds grâce à la carte de crédit de papa et maman, mais j’ai tout de même réussis à me faire un nom. Pendant ces années-là, je ne peux pas vous dire que j’avais des amis réellement sincères. La plupart traînaient avec moi juste pour bénéficier de ma popularité. Vous savez ce que c’est l’adolescence : on traîne avec des personnes mais dès qu’il faut leur planter un coup de couteau dans le dos, on n’hésite pas. Néanmoins, j’ai toujours un côté rancunier. Je ne supporte pas la trahison et je suis capable de faire n’importe quoi pour que la personne paie sa trahison.

Je passe les années collège sans grande difficultés. Les professeurs sont plutôt contents de moi. C’est ma tante qui allait aux réunions parents/professeurs. Ces derniers ne comprenaient pas vraiment pourquoi c’était elle qui venait plutôt que ma mère. Je ne leur ai jamais dit quel métier ma mère exerçait. Non pas parce que j’avais honte, mais plutôt parce que je ne voulais pas qu’il me juge. C’est durant ces années-là qu’il faut que je décide de ma filière. Je n’ai jamais eu de difficultés dans les matières scientifiques. J’ai pris toutes les options possibles et imaginables dans ce domaine-là. Le lycée, c’est aussi pour moi les premières soirées, les premiers baisés sur les lèvres et les premiers amours. Avec les garçons, je n’ai jamais réellement eu de chances. Je suis tombée, pour la plupart, sur de parfaits imbéciles. J’ai rapidement fait une croix sur les relations amoureuses. J’obtiens mon diplôme haut la main et je m’oriente vers des études de médecines. C’est dur mais il était hors de question que je fasse le même métier que ma mère.

Malheureusement, certains ont beaucoup plus de chance que d’autres. Niveau études, tout roule à peu près bien. Je ne suis pas première de ma promotion mais j’ai d’assez bons résultats. En soirée, je suis celle qui boit le moins ou avec modération. Les relations avec ma mère sont bonnes. Certes, elle a toujours énormément travaillé et je la voyais peu à la maison mais ce n’est pas pour ça que je ne l’aimais pas. Puis un jour, tout dérape. Ma mère tombe malade. Au début, je ne prends pas vraiment la chose au sérieux. Pourquoi ça nous arriverait à nous ? Mais j’ai réalisé que sa maladie était grave lorsque je l’ai vu faire des aller et retours à l’hôpital. Lorsque les médecins ont détecté son cancer, je ne pensais qu’elle allait mourir aussi rapidement. J’ai donc décidé d’arrêter mes études pour prendre la relève de ma mère auprès de la famille Wellington. Aujourd’hui, je suis gouvernante tout comme ma mère. D’ailleurs elle est morte il y a trois mois et autant vous dire que je le vis mal. J’évite d’en parler pour ne pas pleurer mais au fond de moi, je souffre. Et puis, il y a le fils Wellington. Un vrai gosse de riche insupportable pourtant, il faut bien avouer que ces derniers temps, il est plutôt gentil avec moi. Malgré ces grands airs, c’est peut-être quelqu’un de bien au final. Une chose est sûre, j’ai envie de reprendre mes études. Travailler comme gouvernante, n’est vraiment pas fait pour moi.