Violence, nom féminin : action brutale physique ou morale envers quelqu'un.
On dit que enfance rime avec innocence, mais mon enfance, elle, rimait avec violence. La vie ne nous épargne rien, et contrairement à la plupart des autres personnes il ne m'a fallu que très peu de temps pour le réaliser. Une enfance ratée, un père alcoolique et violent, une mère aimante mais trop faible. Je n'ai pas vécu l'enfance idéale dans la famille de rêve. J'en étais loin, très loin, trop loin... Bien sûr quand on est enfant on ne comprend pas tout, tout de suite. Mais malgré mon jeune âge j'ai vite compris que ce qu'il se passait chez moi était loin d'être normal, même si je ne réalisais pas forcément l'ampleur et la gravité des événements. Mon père était un homme odieux et exécrable, une vraie ordure en somme. Il passait son temps à boire, et je crois même n'avoir aucun souvenir de lui sobre. Cet homme n'a jamais su nous aimer. Il ne savait que faire du mal. Ma mère était son jouet, son souffre douleur. Elle payait pour toutes les frustrations qu'il pouvait ressentir. C'était de sa faute à elle si il ne trouvait pas de travail, si sa vie était un échec, si il était aussi minable, en fait toutes les excuses étaient bonnes pour donner des coups. Je n'ai d'ailleurs jamais compris pourquoi ma mère restait avec lui, quelle femme pouvait être prête à supporter cela toute sa vie ? C'était insensé ! Ma mère était une femme douce, aimante, attentionnée, tout l'inverse de son mari. Oui mais voilà, elle avait une faiblesse, la pire de toute : l'amour. Aussi fou que cela puisse paraître ma mère était amoureuse de cet homme que je devais appeler "papa". Plusieurs fois elle m'a dit qu'il n'était pas comme ça avant, qu'il nous aimait malgré tout. Elle lui cherchait toutes les excuses du monde pour se rassurer, pour se convaincre qu'elle devait rester avec lui. Ma mère était faible et ce fut l'une des choses les plus difficiles que j'ai eu à encaisser dans ma vie. Je la voyais se détruire, se rendre malade pour un homme qui la battait sans le moindre remord. Je crois que c'est à partir de ce moment là que j'ai rejeté toute forme d'attachement. Je rejetais tout sentiment qui s'apparentait à de l'amour. Je ne voulais pas revivre le même enfer que ma mère. Je fuyais les sentiments amoureux comme on fuit la peste. Je me suis créée une carapace. Je ne devais rien laisser paraître, ni la souffrance que je vivais au quotidien, ni la douleur que j'éprouvais en voyant ma mère maltraitée, personne ne devait rien savoir. Jamais. Il fallait que je trouve un échappatoire face à  l'enfer que je vivais, il fallait que je me protège peu importait le prix. Petit à petit j'ai commencé à donner une image de moi qui ne représentait pas celle que j'étais réellement. J'avais beau aimer ma mère de tout mon cœur je ne voulais pas lui ressembler. Je ne voulais dépendre de personne, je ne devais compter que sur moi même. Et lorsque j'ai compris que les études seraient mon issue de secours, ma porte de sortie face à une vie qui me devenait insoutenable, j'ai foncé. Je suis devenue cette jeune femme ambitieuse qui savait ce qu'elle voulait et qui était prête à tout pour l'avoir. Je voulais réussir à tout prix enfin de garantir mon avenir. C'est ainsi que je suis devenue cette garce détestée mais enviée. Un démon au visage d'ange. Les filles me jalousaient et les garçons me voulaient. J'avais beau être détestable j'imposais le respect. Rare sont ceux qui m'ont tenu tête. Je donnais l'image d'une fille sûre d'elle, qui n'avait peur de rien, qui était prête à tout, et je crois qu'à force je suis en partie devenue cette fille là. J'étais devenue forte et c'était tout ce qui m'importait à ce moment là. Je me fichais qu'on sache qui j'étais réellement ou pas. Je ne souffrais pas et obtenais majoritairement tout ce que je voulais. J'avais réussi à me protéger de ce que je redoutais le plus : tomber amoureuse. En effet, j'enchainais les garçons et ne cherchais jamais à faire dans le romantique. Je prenais cela comme un jeu, en réalité je crois que c'était une manière pour moi de me venger de ce que mon père avait fait. Je faisais souffrir les hommes, je les utilisais, comme il l'avait fait avec ma mère, et aussi horrible que cela puisse paraître cela me donnait une certaine satisfaction. Jusqu'à lui...

Il a suffit d'un regard et j'étais foutue. Je me suis attardée sur lui juste un instant, peut-être un instant de trop. Shane Buckley, le seul homme que j'ai vraiment aimé. Mon seul et unique amour. Nous nous sommes rencontrés à une soirée où nous avions apparemment des amis en commun. Ce soir là l'ambiance n'était pas terrible et je crois qu'en fait je n'avais pas vraiment la tête à m'amuser. J'avais reçu un coup de fil de ma mère quelques heures auparavant et cela avait eu le don de me mettre le moral à zéro. Je détestais me sentir ainsi : vulnérable et déprimée. Ce n'était pas mon genre du tout. J'étais là dans un coin, un verre à la main à observer les autres quand il s'est approché de moi. « Pas top n'est-ce pas ? » Je me suis tournée vers lui et sa beauté m'a frappé de plein fouet. J'avais connu beaucoup de beaux garçons mais aucun comme Shane. Il avait ce charme qui le rendait si spécial. Un regard à en faire fondre plus d'une et un sourire ravageur. Et en plus de son indéniable beauté il dégageait surtout -et je crois que ça faisait la différence - une incroyable tendresse, le genre de tendresse qui vous touche en plein cœur qui que vous soyez. Je me suis contentée de lui sourire légèrement avant de lui répondre. Habituellement j'avais tendance à snober ceux qui m'approchais ou je leur faisais mon grand numéro de charme. Mais cette soirée là était différente, j'étais différente et encore aujourd'hui je ne saurai dire pourquoi. Je crois que je n'avais tout simplement pas envie d'être désagréable avec lui ou de jouer la femme fatale. « En effet, j'ai connu mieux. » Il m'a ensuite proposé d'aller faire un tour. Sa compagnie semblait plus agréable que celles des personnes présentes à la soirée alors j'ai accepté. Nous nous sommes baladés un moment avant de nous poser sur la plage. Nous avons passé toute la soirée et toute la nuit à discuter. C'était quelque chose de nouveau pour moi, car jamais auparavant je n'avais fais ce genre de choses. Tentant de me protéger, j'avais évité les amitiés trop profondes, c'était pourquoi des moments comme celui-là m'étaient à ce point étranger. Il m'a raccompagné jusqu'à chez moi, je vivais à l'époque sur le campus, ayant préféré quitter assez rapidement la maison familiale. C'est là que nous nous sommes embrassés et que notre histoire a commencé. Sans vraiment le réaliser je m'étais dangereusement rapproché de Shane cette nuit là, au point de ressentir pour lui quelque chose de nouveau, quelque chose que j'avais tenté de fuir durant des années : l'amour. Je ne suis pas tombée amoureuse de lui en une nuit, mais je me suis rapidement attachée à lui, un peu trop rapidement à mon goût. C'est peut-être fou à dire mais avec lui je me sentais différente, il me voyait autrement, et d'une certaine façon j'aimais ça. Et puis les sentiments sont arrivés... Je veux dire, les vrais sentiments. Ceux qui arrivent par surprise au moment où on s'y attend le moins. Ceux qui vous tombent dessus sans crier gare. Ceux qui vous rendent dépendant et qui vous lient à l'autre. Je suis tombée amoureuse du jeune Buckley sans même m'en rendre compte. C'était nouveau pour moi; à la fois effrayant et excitant. J'avais terriblement peut à l'idée de lui dévoiler ce que je ressentais, pourtant j'étais certaine qu'il m'aimait lui aussi. Oui mais voilà, excepté ma mère, je n'avais jamais dis je t'aime à quelqu'un. Jusqu'à ce jour là... Nous étions sur mon lit, jouant comme des enfants, on faisait des grimaces en tout genre et il s'est mit à rire. Je me suis stoppée un instant pour l'observer. J'adorais l'entendre rire. Douce mélodie qui parvenait jusqu'à moi. Et c'est là, à ce moment précis que je me suis lancée. « Je t'aime Shane. » Il s'est immédiatement arrêté de rire et m'a fixé hébété par ce que je venais de lui avouer. Il n'a rien dit pendant plusieurs secondes, des secondes qui m'ont paru être une éternité. J'avais toujours trouvé cette expression stupide, mais croyez moi dans un moment pareil le temps semble se rallonger à l'infini. Et puis ce fut la délivrance. Trois petits mots ont suffit à stopper la torture de l'attente. « Je t'aime aussi. »

Notre idylle a duré un an. Une année durant laquelle je me suis ouverte à lui. Je savais que quoi je dise il ne me jugerait pas, alors j'ai laissé tomber le masque. Fini la carapace je pouvais être moi-même. Je me suis montrée telle que j'étais réellement, je me sentais en confiance à ses côtés, au point de lui révéler le terrible secret de ma vie. Je lui ai dis pour mon père, je lui ai raconté mon enfance dans les moindres détails. Moi qui m'étais promis de ne jamais rien dévoiler, je n'ai pas pu garder le mystère très longtemps auprès de l'homme que j'aimais. Il a su m'écouter, me consoler et m'épauler. Il a su être à la fois mon ami et mon amant. Jusqu'à que je commette l'irréparable. Je crois qu'à force j'ai fini par me sentir prisonnière. Je veux dire c'était nouveau tout ça pour moi... Je ne m'étais jamais contentée d'un seul homme et là pendant un an je suis restée avec le même. Certains avaient qualifié cela d'exploit et s'en était un en quelque sorte, en tout cas pour moi. Je mentirai si je disais ne pas avoir aimé ma relation avec le beau Buckley. J'en ai apprécié chaque moment. Mais j'ai commencé à avoir peur de ce qu'on vivait. J'avais passé des années à éviter les relations sérieuse et je savais très bien pourquoi. Je ne voulais pas avoir de faiblesse, je ne voulais pas souffrir, et pendant des années j'étais persuadée que je n'avais pas de cœur. Shane comptait de plus en plus pour moi, et ça m'a complètement effrayé. Je n'étais pas prête pour vivre quelque chose d'aussi fort, même après un an. Il méritait mieux et je lui ai prouvé. Il a suffit d'une soirée un peu trop arrosée pour que je dérape. Je sortais rarement sans Shane mais les derniers temps j'enchainais les sorties, comme si j'évitais de me retrouver avec celui qui occupait mes pensées. J'avais l'impression de retrouver une certaine liberté mais c'était simplement un moyen pour moi de prendre de la distance avec mes sentiments. Et au final c'était comme si j'avais prévu ce qui allait se passer. J'ai trompé Shane. J'ai regretté ce geste mais je l'ai assumé malgré tout. J'ai tout avoué au jeune homme et il m'a quitté sur le champs. Je n'ai pas essayé de le retenir car je crois qu'au fond j'avais cherché tout ça. J'avais voulu me prouver que je n'étais pas capable d'aimer, que je ne savais que faire le mal, que j'étais comme mon père. Je lui ai brisé le cœur, et le mien par la même occasion. Et la vie a continué... Je ne dirais pas que je n'ai pas souffert de ma rupture avec Shane, ce serait faux. J'ai perdu le seul homme que j'ai aimé. En voulant éviter de souffrir, j'ai souffert encore plus. Drôle d'ironie n'est-ce pas ? Je n'ai plus jamais entendu parler de lui par la suite et c'était peut-être mieux ainsi. J'ai longtemps pensé à lui et à ce que nous avions vécu, car malheureusement on oublie pas aussi facilement quelqu'un qu'on a aimé. Oui mais voilà, je n'étais pas du genre à me laisser abattre, loin de là d'ailleurs ! Cœur brisé ou non je devais continuer ma route et reprendre mes petites habitudes. Je suis redevenue la garce que j'étais auparavant même si mon histoire avec Shane m'avait quelque peu changé. À cette époque là je faisais des études de droit, j'avais une véritable passion pour cette matière, chose qui me motivait d'avantage pour réussir. Mais ne vous méprenez pas, j'avais beau adoré mes études je n'étais pas du genre sérieuse et obsédée par le travail. Je faisais la fête plus que ne l'aurait fait une personne raisonnable. Mais je n'étais pas raisonnable, bien au contraire et malgré mon penchant pour la fête j'obtenais toujours de bons résultats. Cela avait le don d'agacer un bon nombre d'étudiants. Il faut dire que j'étais experte lorsqu'il s'agissait de concilier études et soirées, ce qui n'était pas le cas de la plupart de mes camarades. Et tant mieux pour moi !

J'ai réussi mes examens avec brio ! Une nouvelle route s'ouvrait à moi : celle de la vie active. Grâce à mes résultats je n'eus aucun mal à trouver du travail. À peine sortie de l'université, un cabinet d'avocat me proposait déjà de travailler avec eux, d'abord en tant qu'assistante avant de me laisser gérer seule mes propres affaires. Grâce à mon ambition et ma force de caractère je suis parvenue à me faire un nom et à voler de mes propres ailes. J'ai exercé au barreau de Dublin durant un an avant de partir aux États-Unis suite à une offre que je ne pouvais refuser. Il faut dire que j'avais le don de choisir des affaires compliquées, je n'aimais pas les dossiers trop simples, j'aimais avoir du fil à retordre. De plus j'avais toujours rêvé de quitter mon pays afin de voir le reste du monde. J'aimais me sentir libre et voyager correspondait parfaitement à ce désir de liberté. C'est ainsi que j'ai atterri à New York, ville dont je suis tombée immédiatement amoureuse. Le style de vie là-bas me correspondait parfaitement, je me sentais à ma place, et j'aimais mon travail. Je crois que je serais restée aux États-Unis si je n'avais pas reçu un jour une nouvelle qui allait d'une certaine façon chambouler ma vie. Il a suffit d'un mail pour que mon avenir soit bouleversé. J'étais rentrée chez moi depuis une bonne heure, mais j'avais cette fâcheuse tendance à checker ma boute mail en permanence juste "au cas où" au lieu de me reposer après une longue journée de boulot. L'un d'entre eux m'était directement adressé pourtant l'expéditeur ne me disait rien. Ma curiosité titillée je l'ouvris et découvris avec stupeur qu'il s'agissait de ma cousine. Après quelques recherches elle avait réussi à me retrouver et chercher à me connaître un peu plus si j'étais d'accord. En dehors de mes parents je n'avais pas de famille, du moins pas à ma connaissance. Je n'avais jamais rencontré personne. Et j'apprenais à 26 ans l'existence de ma cousine. Quelle histoire de dingue ! Elle vivait à Broome en Australie depuis plusieurs années, elle avait entendu parler de moi par ses parents juste quelques mois avant qu'elle ne m'envoie ce mail. À peine avait-elle appris qu'elle avait une cousine, que la voilà à sa recherche (la mienne en l'occurrence). Elle me proposait de venir vivre chez elle afin de se connaître un peu mieux. Cette annonce bien que brutale me fit chaud au cœur. J'avais toujours ressenti le manque d'une famille mais par fierté ne l'avais jamais dis. Et au moment où je m'y attendais le moins voilà qu'on m'annonce que quelque part dans le monde quelqu'un me cherche. Même si j'aimais ma vie à New-York je ne pouvais laisser passer l'occasion de connaître quelqu'un de ma famille. J'en avais besoin. Besoin pour me comprendre et me trouver. J'étais du genre à foncer à la première occasion et quelle aventure extraordinaire que de partir en Australie n'est-ce pas ? C'est ainsi que depuis trois mois je suis à Broome, tissant des liens avec une famille qui m'était étrangère il y a encore quelques mois, sans me douter un seul instant que l'homme que j'ai aimé si fort est ici lui aussi. Signe du destin ou simple hasard ? Seul le temps nous le dira...