Un enfant désiré c'est quoi ? Un enfant dont les parents sont fiers, qui prennent soin de lui. Moi je n'étais pas spécialement désiré, enfin si mais pour une chose : que mon père ait un héritier. Coup de chance, je fus un petit garçon et du coup, pas besoin d'autres successeurs ! Je suis devenu alors fils unique, et qui ne voyait jamais ses parents. Un coup ils étaient à Tokyo, des fois à New-York et je fus élevée par une gouvernante assez terrifiante.
« On ne mange pas avec les mains ! » Un coup de règle sur mes doigts et je me mis à pleurer. Un autre coup pour ne plus que je pleure sans raison. A trois ans, on ne comprend pas forcément pourquoi on se prend des coups de règles sur les doigts, mais on comprend par contre la douleur. Une douleur atroce. Je prends ma fourchette et j'essaye de manger correctement devant le regard sévère de ma gouvernante. Je ne sais pas pourquoi elle était aussi méchante, mais c'était la seule présence que j'avais dans la maison comme mes parents n'étaient jamais là. Ma mère rentrait de Paris ce soir, et j'avais hâte de la voir. Toute l'après-midi je jouais dans le salon silencieusement, si j'avais le malheur de courir, j'étais envoyé au coin et je devais y rester une heure. Une heure c'est beaucoup dans la vie d'un petit bonhomme ! En tout cas, à dix-huit heures, ma mère revint, et je courus vers elle, comme pour avoir un câlin. J'avais de la peinture plein les doigts et elle me rejetait.
« C'est de la soie Raphaël Wellington ! Ne me touche pas ! » J'avais les larmes qui montaient aux yeux, elle fit comme si je n'existais pas et je me demandais pourquoi je n'avais pas une maman qui m'offrait une glace ou un gros câlin, comme les enfants de mon âge en gros. Quand je regardais souvent à la fenêtre je voyais des enfants heureux, jouant avec un ballon. J'avais beau avoir tout plein de jouet chouettes, je restais tout seul.
« Je pars dès ce soir rejoindre mon mari. » Je restais dans un coin, avec un petit air malheureux. En tout elle est restée une heure avant de repartir, sans un mot pour moi. Je n'étais qu'un objet enfin de compte. Durant la nuit je fis un cauchemar et je manquais même de faire pipi au lit, mais si j'avais fais ça je me serai sans doute fait punir. Je pris mon ours en peluche dans les bras et je descendis les escaliers pour aller voir ma gouvernante. Elle rentrait rarement chez elle quand mes parents n'étaient pas là.
« J'ai fais un cauchemar... » Dis-je dans un murmure en serrant Teddy dans les bras.
« Et ? Il faut bien vivre avec ses peurs ! Retourne dormir ! » Pas de câlin, pas un mot de réconfort. Je retournais dans mon lit, serrant mon ours en peluche. Mon seul ami en fin de compte.
« Et pourquoi ce serait les trois mousquetaires ? » Demandais-je à Robbie. On avait sept ans et on était très lié.
« Je te signale que Zooey, c'est une fille ! » « Et alors ? J'ai pas le droit de faire partie des trois mousquetaires ? Pauvre débile! » « Traite-moi encore de débile et tu vas mordre la poussière ! » On avait beau se dire les pire horreurs, on s'aimait énormément. Robbie et Zooey je les avais rencontré deux ans auparavant quand j'avais commencé à aller à l'école. L'école c'était le bien suprême : j'avais réussi à me faire des amis, et on m'appréciait pour ce que j'étais. D'un côté j'étais dans une école privée, et donc les seuls enfants que je côtoyais ils étaient comme moi : ils avaient des parents riches. Pourtant, certains étaient vraiment aimés de leurs parents, et je ressentais de la jalousie par rapport à ça.
« Parce qu'on est trois et qu'on vivra des aventures merveilleuses à trois ! » Dit Robbie avec un grand sourire. J'étais d'accord, et finalement on se décidait de s'appeler comme ça. On passait le reste de la journée à l'école et le soir, en rentrant je trouvais des cookies sur la table de la cuisine. C'était ma gouvernant qui les avait fait mais je n'osais pas les toucher. J'avais peur de me prendre un coup de règle sur les doigts. Je préférais donc aller dans le jardin pour aller voir les fleurs. J'avais toujours été captivé.
« Raphaël ? Tu ne viens pas manger ton goûter ? » C'était pour me piéger ? Pourtant j'avais faim, la cantine ce n'était pas bon. Je me levais pour aller dans la cuisine et m'asseoir sagement sur la chaise. Je n'osais jamais bouger quand elle était dans les parages. Elle me mit trois cookies dans une assiette avec un verre de lait.
« Je pourrais aller à l'anniversaire de Robbie samedi ? » « Ce n'est pas à moi qu'il faut demander mais à tes parents. » Alors là, on en était pas rendu. J'avais une mine triste quand je mangeais mes cookies et elle s'en était rendue compte. Peut-être était-elle contente que j'avais des amis ? En tout cas elle me dit un truc qui me surpris :
« Tu sais quoi ? Ce sera notre secret. » J'avais les yeux qui pétillaient de bonheur.
« Il me faut un déguisement de mousquetaire ! » « Si tu me parles comme ça Raphaël tu n'auras rien du tout. » Elle me regardait avec les sourcils froncés et je baissais la tête.
« Pardon. Est-ce que je pourrais avoir une tenue de mousquetaire s'il vous plait ? » Je devais la vouvoyer, et elle,elle me tutoyait. Elle acceptait, et je fus super content. J'allais faire fureur dans ma tenue de mousquetaire !
« Attends à la base les mousquetaires sont trois ! » « Faux » me rétorque Zooey.
« Si tu as bien lu l'œuvre, ils sont trois certes mais il y a aussi d'Artagnan ! » On était en train de débattre à savoir si la petite soeur de Robbie rejoignait notre clan ou pas. Elle avait dix-sept ans, et nous vingt-trois. Je la trouvais bien trop jeune pour nous rejoindre, surtout qu'étant donné qu'elle n'était pas majeure, nos sorties allaient forcément se restreindre à des bars où les mineurs étaient autorisés. Fini les boites de nuit où je pourrais trouver les conquêtes d'un soir qu'il me fallait !
« Vous n'allez pas vous disputez oui ?! » Robbie nous regardait en soupirant.
« C'est ma petite sœur, elle a toujours voulu avoir une bande d'amies, mais personne ne voulait d'elle, puis vous l'aimez bien non ? Je ne vois donc pas pourquoi elle ne pourrait pas venir avec nous. » Je réfléchissais un temps soit peu. Il n'avait pas tout à faire tort, sa petite sœur était adorable et je ne comprenais toujours pas comment les gens ne pouvaient pas s'en apercevoir. Peut-être car elle ne se comportait pas en gamine pourrie gâtée ? On fit un vote et à l'unanimité c'était oui. Quand je vis son sourire sur son visage, je compris qu'on avait fait le bon choix. A présent on était plus trois mais quatre.
« Je pense qu'il serait bien que tu apprennes l'histoire de la société Wellington. » Je dinais avec ma mère ce soir là. C'était un des rares soirs où elle était là. Je ne savais même plus quand on avait parlé pour la dernière fois. Elle me regardait à peine, buvant son verre de vin. J'avais vingt-sept ans. J'étais sorti de l'université deux ans auparavant avec un très bon diplôme d'économie. Notre gouvernante était toujours là, et elle était très précieuse à mes yeux. Elle m'avait élevé en fin de compte. Alors qu'elle était en train d'apporter le dessert, elle a eu un moment de déséquilibre, laissant tomber le plat à terre. Je savais bien que ces derniers temps elle était fatiguée, mais pas à ce point.
« Vous pourriez faire attention Julia ! Ce n'est pas parce que cela fait des années que vous êtes à notre service que vous pouvez vous relâcher ! » Je m'étais levé, pour venir l'aider à ramasser les dégâts.
« Raphaël qu'est ce que tu fais ? » Je relève la tête vers ma mère.
« Je l'aide. » « Ce n'est pas ton métier, assis-toi ! » « Non. » C'était la première fois que j'avais osé dire à ma mère non. Et elle me sourit, d'un sourire particulièrement faux.
« Excuse-moi ? » « Tu vois bien que Julia n'est pas bien, et toi tu t'en moques ! » Elle se leva pour quitter la table, sans un mot. C'était toujours comme ça, ma mère ne voulait jamais rentrer en conflit et pensait avoir toujours raison. Je continuais à ramasser les dégâts.
« Asseyez-vous Julia, je vais finir. Ce n'est pas bien grave. » « Je suis désolée. » « Ce n'est pas grave. » Fis-je en tentant de la rassurer. Je ramassais les dégâts de cette tarte qui avait semblé si délicieuse.
« Je n'aurai jamais cru un jour que j'avais pu t'inculquer de bonnes manières. » « Les coups de règles ont aidés. » « C'était pour que tu ne deviennes pas comme eux. » « Ca fait longtemps que vous vous sentez aussi fatiguée ? » « Raphaël tu n'as pas à t'occuper de ça. » Elle me fit un sourire et se leva de nouveau, finissant le nettoyage sans me laisser dire un mot supplémentaire. Un mois plus tard, c'était quelqu'un d'autre à sa place.
« OH MON DIEU JE SUIS DESOLEE ! » Comme tous les matins je prenais ma douche, mais en entrant dans ma chambre et mettant ma serviette autour de la taille, donc si on note bien, j'étais nu, une jeune demoiselle était là. A mes souvenirs, je n'avais pas couché avec elle.
« Vous auriez pu frapper ! » Je nouais ma serviette, alors qu'elle prenait la fuite. C'était quoi ça ? J'avais rendez-vous avec mes amis dans la journée, et je n'avais pas le temps de voir tout ça. J'enfilais un tee-shirt, un jean, et je descendis les escaliers avant de retrouver la demoiselle en compagnie de ma mère.
« Ah Raphaël tu tombes bien ! » J'arquais un sourcil.
« Abigaël est la fille de Julia, et sera à partir d'aujourd'hui gouvernante à la maison. » Je vis que la demoiselle avait toujours le rouge aux joues mais j'avais juste une question en tête : comment la harpie me persécutant dans l'enfance avait pu engendré une si jolie fille ? Gosh. Elle avait l'air d'avoir mon âge en plus.
« Julia sera absente pour un temps indéterminé. » J'allais poser une question mais ma mère me coupa la parole.
« Je vais rejoindre ton père à Londres pendant quelques temps, pour la société. En espérant que pendant mon absence tu l'étudies ! » Elle prit son sac et sortit de la maison en nous laissant tous les deux.
« Je suis vraiment confuse pour ce qui s'est passé tout à l'heure. » Elle avait l'air vraiment gênée, au pire ce n'était pas la première fois qu'une fille me voyait en tenue d'Adam hein.
« Ne vous en faîtes pas pour ça. » Je pris place dans la cuisine pour petit-déjeuner. Elle avait des gestes peu sûrs et je constatais qu'elle ne devait pas faire ce métier auparavant. Je ne dis ce pendant rien.
« Attends, ta gouvernante maintenant, elle a environ ton âge ? Woah, on dirait qu'il va se passer des choses intéressantes. » Robbie me regardait avec un grand sourire aux lèvres.
« Arrêtes tes conneries, tu sais très bien que je ne sors pas avec des filles qui ne sont pas de la haute. » « Oh sortir ? Plutôt coucher non ? » intervint Zooey.
« Ca ne te ferait pas de mal. » « Figure toi qu'hier soir j'étais avec un apollon... » « Gay ? » « Ta gueule. » Elle se remit à manger en me tirant la langue. On se chamaillait toujours autant.
« Moi je suis sûre, qu'elle ne laissera pas Raphie de marbre. » La petite soeur de Robbie était intervenue, et je la regardais.
« Arrêtes de dire des conneries aussi ! C'est de famille ? » Le repas continuait, et je rentrais que le soir et je vis Abigaël qui s'affairait à finir un nettoyage dont elle ne s'en sortait pas.
« Besoin d'un coup de main ? » « Non, non ne vous dérangez pas. » Elle avait l'air d'avoir pleuré. Je ne voulais pas me mêler de sa vie alors je montais les escaliers, même si je pense qu'elle avait du attendre que je sois là-haut pour pleurer de nouveau.
« Vous pouvez préparer vos céréales tout seul ! » J'étais bouche bée, elle avait posé devant moi du lait, des céréales. Elle avait vraiment les gênes de sa mère, mais elle au moins m'aurait préparé mon petit-déjeuner.
« Très drôle. » « Ce n'était pas une plaisanterie. » Elle partit dans le salon en me laissant seul avec mon bol vide. Ouai... Finalement j'irai acheter un truc au starbuck du coin. Je me levais pour la rejoindre dans la salon.
« Qu'est ce qu'elle a Julia pour qu'elle ne soit pas revenue en un an ? » C'était comme si ma question avait fait l'effet d'une bombe. Le visage d'Abigaël devint tout blanc. Je venais de produire un mutisme. Je la regardais, mais elle ne me regardait pas.
« Un cancer. » Je reçu comme un poignard dans le cœur, Julia avait eu beau me donner des coups de règles, elle avait été très gentille avec moi. Abigaël partie dans une autre pièce et à ce moment là je m'en voulais de lui avoir donner une souffrance. Parce que finalement mes potes n'avaient pas tort : je commençais à lui trouver du charme, merde elle était carrément sexy et pour une fois je ressentais des papillons dans le ventre. Je voulais la protéger. Je la rejoignis de nouveau.
« Je m'excuse, je ne savais pas. » Elle ne me regardait toujours pas, manquant de faire tomber un vase que je récupérais rapidement. Il valait cinq mille dollars et ma mère aurait fait une crise.
« Vous ne pouviez pas savoir. » « Son cancer... Il est grave ? » Je vis les larmes perlées au niveau de ses yeux, et je compris que c'était plus grave que je pensais. Je ne sus pas comment, mais j'avais réussi à me procurer l'adresse de l'hôpital où était mon ancienne gouvernante. Je me fis passer pour un membre de la famille pour pouvoir entrer, et ce n'était pas tout à fait faux : elle m'avait élevé. J'entrais après avoir frapper quelques coups.
« Si un jour on m'avait dit que Raphaël Wellington viendrait me voir à l'hôpital je n'aurai pas cru. C'est quoi cette tête d'enterrement ? » En effet, j'avais du mal à sourire. Elle était amaigrie, toute blanche et je ne pouvais pas croire que c'était la Julia que j'avais connu pendant des années.
« Je voulais te rendre visite quand même. » « Ne me dis pas qu'Abigaël a cassé des objets de valeurs. » « Tu crois que c'est pour ça que je te rends visite ?! » « Je ne vois pas pourquoi d'autres, j'ai une fille tellement maladroite que j'ai bien peur pour les porcelaines de ta mère. » Je l'avais tutoyé sans m'en rendre compte, elle ne m'avait pas grondé, sans doute n'avait-elle pas eu la force. Je m'assis sur une chaise et on parlait pendant une heure. Je vis qu'elle se fatiguait et je préférais partir.
« Raphaël j'ai quelque chose à te demander. » Je me retournais pour l'observer.
« Tu prendras soin d'Abbie n'est ce pas ? » « Arrête, tu ne vas pas mourir. » Elle ne répondit rien. C'était encore pire que ce que j'avais imaginé. Je lui promis avant de sortir.
« Tu es quelqu'un de bien. » Me dit-elle en reposant sa tête sur l'oreiller. Ce jour là, j'ai pleuré. C'était la première fois que je pleurais pour quelqu'un. Julia est décédée il y a trois mois. Ca a été dur. Pas que pour moi mais pour Abigaël. Je ne savais pas quoi lui dire, quoi faire. Je voulais changer pour elle, qu'elle voit que je n'étais pas qu'un fils à papa...